- alainAdmin wrote:
Depuis que je fais ce boulot, des objets 3D présentés comme des vidéos,
soit 3 ans et des centaines de 3Dvideos de 1 ou 2 minutes,
je suis souvent fatigué de l'aspect répétitif, ça tourne, ça tourne, ça tourne.
Un jour j'ai été très content de trouver cette idée, il y a quelques mois:
faire une sorte de montage où l'on verrait quelques images originales, les prises de vues.
Cela enlève un peu de la monotonie.
Cela indique la méthode de fabrication, c'est mon coté déconstructeur années 70.
Et cela peut expliciter ce qu'on voit, car l'objet 3D est parfois peu compréhensible.
Parfois c'est pour insister sur la réalité du moment où j'ai fait les prises de vues.
Car je me sens toujours un peu coupable d'utiliser la photo pour juste shooter le sujet.
Et les images du shooting n'ont rien d'"artistique", mais le processus construit la 3Dvideo,
et là est ma volonté à faire oeuvre.
Je vais essayer de te dire un peu ce que je pense, ce n'est pas facile.
Depuis le temps qu'on se connaît, qu'on oeuvre parallèlement, qu'on se montre ce qu'on fait et qu'on en cause, beaucoup de choses se sont entrecroisées dans nos boulots sans qu'ils se ressemblent du tout.
Par exemple, à un moment ou un autre, on a été préoccupé par le trompe l'oeil, l'illusion, ou bien par l'image et la matérialité, ou l'oeuvre objet, etc....
Un truc qui nous relie, maintenant, c'est la préoccupation du quotidien. Faire oeuvre à partir des petites choses qui nous entourent, dans un périmètre restreint. Ces choses ordinaires qu'on voit tous les jours et dont on se dit: comment faire à partir de ça? Comment faire sentir - je ne dirai pas la beauté - la simplicité, la simple existence de ceci, ou de cela, sur quoi mon regard s'attarde?
J'essaie de le faire à travers la peintographie, tu le fais à travers tes videos rotatives 3D.
Tes objets virtuels fixent l'instant d'une chose, ou plutôt le regard appuyé que tu portes sur cette chose à travers les dizaines de photos que tu en fais.
Tes videos ne représentent pas des objets mais ton regard insistant sur ces objets, insistant au point de les traverser de part en part, de les réduire à une sorte de peau translucide, une mue d'objet.
Ton regard se matérialise tandis que la chose se vide de sa substance!
Tu as tenté de redonner matière à cette peau, cette mue d'objet, grâce à l'impression 3D: ce sont ces petits objets présentés en haut de cette page. Mais je trouve que ça ne marche pas, que ça ne montre pas ce qu'il faudrait. Ce qu'il faudrait c'est une espèce de pellicule translucide, fine comme un papier de nid de guêpe, qui reconstituerait tes visions dans l'espace...
Tu te trouves face à un problème assez similaire au mien: comment montrer la réalité du processus et non pas seulement le résultat?
Pour revenir au sujet de ton message, je trouve très bonne ton idée d'introduire des photos qui ramènent au processus et à la réalité de l'objet pour mieux faire sentir la transformation opérée. Mais tu te retrouves alors avec un problème qui relève du montage cinématographique: à quel moment introduire les photos, combien, pour quelle durée?
Je vais essayer de te dire, dans chacun des cas que tu proposes, comment je sens les choses, en toute modestie.
Modestie car c'est toujours délicat de commenter le boulot d'un artiste, et en même temps tellement nécessaire pour l'artiste de recevoir des retours sur ce qu'il fait, même critiques. Faut-il le préciser? Je ne fais que poursuivre ici le dialogue que nous entretenons depuis presque 40 ans, la seule différence est que nous le mettons maintenant en public.
- Quote :
- Ainsi j'ai utilisé cette méthode pour mon jeu à propos de "la déposition de l'Ange"!
https://vimeo.com/125554575
Dans "Stabat ta mère", c'est, comme souvent, la question de la religiosité que tu agites. Le décor et l'envers du décor. La magie et le presque rien qui la produit. Religion et illusion. Avec humour et ironie comme l'indique le titre.
Le fait de tourner autour des plumes de l'ange instaure une religiosité soulignée par la musique.
Mais tu coupes le mouvement en introduisant par montage des images fixes. Tu obtiens bien l'effet souhaité de cassure et d'interrogation, mais sans parvenir à le décaler suffisamment: tes photos sont trop redondantes avec celles qui produisent la magie du mouvement.
Je pense que ce que tu es parvenu à faire à la fin de "Chasse interdite", c'est plus fort parce que progressivement, sans perdre le fil, on part ailleurs.
- Quote :
- Ici pour qu'on comprenne quel film est projeté:
https://vimeo.com/117660335
Dans "Joan of Arc", le truc fascinant c'est que ton logiciel 3D révèle sa stupidité. Il ne fait pas la différence entre une image projetée en 2D et un espace réel à 3 dimensions. Du coup, il "volumise" les personnages du film de la même façon que les ojets de la pièce où le film est projeté. Cette confusion est une mine de possibilités créatives, par exemple ce serait intéressant de le confronter à un miroir! Je me demande comment il s'en débrouillerait, sans doute as-tu essayé.
Revenons à tes "plans", car, comme tu es amené à faire du montage, il faut bien parler de plans. Joan of Arc commence par une vue 3D dont on ne comprend guère la nature. On tourne autour d'une demi boîte parallélépipédique. Puis apparaissent 6 photos de la projection du film, on identifie différents moments d'une scène d'église. Si on connait le film, on reconnait peut-être la Jeanne d'arc de Fleming. On revient ensuite à l'espace 3D: l'enchainement de l'image du film avec la 3D se fait ici très bien. On est revenu dans la salle de projection que l'on parcourt dans
un travelling avant (je souligne car c'est rare que tu le fasses) le long des étagères qui nous amène à l'écran que l'on traverse. C'est surtout là qu'on se rend compte de la mise en volume des personnages du film. Et puis ça finit un peu trop vite je trouve car on est justement entrain de se prendre au jeu quand ça s'arrête.
En y réfléchissant, il me semble que j'inverserais l'ordre des plans:
- 1 pas de mystère, tu annonces d'entrée l'image photo du film projeté, le temps nécessaire pour qu'on la regarde bien,
- 2 tu enchaines avec le travelling,
- 3 tu mets la rotation panoramique qui constituait le plan 1.
Qu'en penses-tu?
- Quote :
- Parfois c'est pour insister sur la réalité du moment où j'ai fait les prises de vues.
Car je me sens toujours un peu coupable d'utiliser la photo pour juste shooter le sujet.
Et les images du shooting n'ont rien d'"artistique", mais le processus construit la 3Dvideo,
et là est ma volonté à faire oeuvre.
https://vimeo.com/126781602
(le son est d'une vidéo de mon ami Michel Suret-Canale qui faisait des croquis au bord de la Seine)
Ici, dans "Chasse interdite" tu introduis les photos à deux moments :
- en plans de coupe entre les deux rotations autour de l'arbre,
- à la fin de la 2ème rotation, en guise de conclusion.
La seconde, je la trouve magnifique! Le fait qu'on parte ailleurs sur les vaches, tout en restant au même endroit, avec en parallèle les mots de Suret-Canale, qui dit explicitement ce que tu cherches, c'est superbe!!!!
Par contre, la première coupure est trop longue : une image suffirait sans doute, peut être montrée assez longuement, afin d'amener la fin.